Comme beaucoup de communes d’Indre-et-Loire, Ferrière-sur-Beaulieu possède des armoiries. Elles se composent d’un écu et d’un listel.
L’écu se décrit de la façon suivante, selon les termes de l’héraldique (une science auxiliaire de l’Histoire) : « de gueules à un fer de lance d’argent à la hampe brisée de sable, au chef d’argent chargé d’une croix ancrée de gueule » (de gueules : rouge ; d’argent : blanc ; de sable : noir).
En dessous de l’écu figure un ruban qui se décrit ainsi : listel d’argent aux retroussis de gueules, porteur d’une devise en latin : FIRMUS ET STABILIS.
Ces armoiries, d’origine récente, ont été composées voici quelques décennies, dans le milieu des années 1980, par l’abbé Michel Bourderioux (1902-1991), grand érudit et héraldiste réputé, qui en a créé pour de nombreuses communes de Touraine et du Berry. Afin de l’aider dans la partie graphique de cette réalisation, il a fait appel à un dessinateur originaire d’Esvres-sur-Indre, Dominique Morche.
Dans le but de charger, comme on dit en langage héraldique, l’écu de Ferrière-sur-Beaulieu, il s’est inspiré de la description, trouvée dans un article d’H. Lesourd, publié par la Société Archéologique de Touraine dans ses Mémoires de 1842, d’une figure gravée sur une tombe ancienne et malheureusement anonyme du cimetière de la commune : elle représentait, selon H. Lesourd, une pointe de lance surmontée d’une croix. La tombe avait été démontée dans les années précédant 1880, et n’était donc plus visible lors de la composition de ces armoiries.
Celles-ci, conçues pour présenter un rapport avec la personnalité de la commune, peuvent s’interpréter ainsi :
Les matériaux de la lance, le bois de la hampe et le fer de la pointe, font référence à la forêt qui couvre une partie du territoire de Ferrière-sur-Beaulieu, et au minerai de fer dont son sous-sol contient d’assez nombreux petits gisements. La croix qui la surmonte évoque également ce métal et les fourneaux qui servaient à l’obtenir à partir de son minerai, tandis que ses extrémités ancrées rappellent les forges, lesquelles, avec les fourneaux, ont donné leurs noms à deux secteurs de la commune.
On ajoutera que la lance, loin de suggérer des pulsions guerrières de la part des habitants de Ferrière, symbolise plutôt le dynamisme de la commune, dont la population s’est très fortement accrue ces dernières décennies. Ce meuble (terme technique de l’héraldique) se rapproche du motif en forme de flèche blanche pointant vers le haut qui figure sur les panneaux de signalisation routière : c’est donc pour les habitants un encouragement à aller de l’avant, en même temps que l’indication d’un état d’esprit entreprenant qui dominerait chez eux.
Quant à la devise FIRMUS ET STABILIS, elle a pour origine une expression assez répandue chez plusieurs grands écrivains latins de l’Antiquité, et peut se traduire par « ferme et solide », les deux termes ayant donc une signification très proche. Ils forment une figure de style et un procédé rhétorique appelés synonymie, qui consiste à exprimer la même notion par une succession de mots de sens identique ou voisin, dans le but de produire sur l’auditeur ou le lecteur une impression plus forte que si son auteur avait employé un seul mot.
Pour une commune qui tire son nom d’une dénomination également latine, usitée au Moyen Age, FERRARIAE, Les Ferrières, du genre féminin, on se serait attendu à ce que la devise s’écrive plutôt Firma et stabilis. Sa forme masculine de Firmus et stabilis se justifiait sans doute, dans l’esprit de l’abbé Bourderioux, par un accord avec l’un des noms, laissé implicite dans la devise, qui servait à désigner en latin, soit le territoire d’un village, en l’occurrence pagus (ancêtre du mot pays), soit le village lui-même, vicus (qui nous a donné vicinal), soit encore burgus (à l’origine de bourg).
Cette devise s’associe étroitement à l’écu, car l’idée de solidité qu’elle exprime convient à la fois aux productions qu’il illustre, le bois de la forêt (en grande partie du chêne) et le fer de ses minées (autre nom d’un secteur de la commune), mais également à une qualité qu’elle place ainsi en tête de celles que possède Ferrière-sur-Beaulieu. De plus, elle formule une prédiction pour l’avenir de celle-ci, la solidité l’annonçant sous les meilleurs auspices.
Sources principales d’information :
H. Lesourd, « La forêt de Loches et ses environs », paru dans les Mémoires de la Société Archéologique de Touraine, I, 1842, p. 31-48, plus spécialement, p. 42 : description et commentaire de la tombe inspiratrice de la charge de l’écu. L’absence, ou la disparition antérieure à la visite d’H. Lesourd, d’une inscription sur la pierre tombale, a inspiré à cet auteur des spéculations assez aventurées concernant le défunt : il imagine un croisé, mais la gravure à l’origine des meubles de l’écu n’aurait pas résisté à environ sept siècles d’intempéries sur du calcaire. Il faut envisager une époque bien plus récente, et une autre explication, dans l’attente qu’une découverte mette un jour fin à cette énigme.
Jean-Xavier Carré de Busserolle, Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire et de l’ancienne province de Touraine, 6 tomes, Mémoires de la Société Archéologique de Touraine, XXVII à XXXII, Tours, 1878 à 1881. Plus spécialement, tome III, article Ferrières-sur-Beaulieu, p. 62-65 (jusqu’à une date assez récente, on écrivait Ferrières au pluriel).
Dominique Morche, L'héraldique municipale de Touraine ou l'histoire des villes et villages à travers le blason, Tours, 1987.
L’article ci-dessus a été rédigé par M. Robert BEDON.